L’infirmière voulu m’aider à me relever mais si je ne parvenais même pas à le faire seule, aucune chance que le médecin ne me laisse sortir d’ici. Après presque deux mois de coma, j’avais finis par me réveiller. En fait, je n’avais pas été comateuse deux mois entiers. On m’avait dit que je me réveillais de temps en temps, et que je partais alors dans des délires fiévreux, entrecoupés de longues journées que je passais à dormir. J’avais failli mourir une fois, mon cœur avait lâché en plein milieu d’une nuit où, on ne savait comment, je m’étais levée et avais réussi à aller jusqu’à ma fenêtre. On m’avait dit que je n’avais pas supporté le choc. En 2149 des gens étaient prêts à tuer pour avoir une place sur Terra Nova, et moi j’avais failli mourir à peine le pied posé sur cette nouvelle terre pleine de promesses. C’était bien le comble !

Le médecin m’examina. Je fis l’effort de rester debout tout le temps que dura l’examen, souriant pour lui montrer que j’allais bien. J’étais « guérie » depuis une petite dizaine de jours, on m’avait fait sortir quelques minutes de la clinique, par étapes, pour ne pas me brusquer et risquer un nouveau choc ou de nouvelles crises. A présent j’en avais assez et même malgré la menace de rechute qui planait au-dessus de moi, je me moquais de sortir. Tout ce que je voulais, c’était quitter cette clinique que je ne pouvais plus voir en peinture. Le médecin ne tarda pas à prononcer les mots autorisant ma sortie. Je me rassis sur mon lit pendant qu’il signa tous les papiers nécessaires, puis attrapais mon sac et fit mes adieux à tout le personnel qui s’était occupé de moi.

On me demanda d’attendre un soldat qui viendrait pour m’accompagner jusqu’à mon logement, mais je refusais et partie seule. Je ne voulais pas être une assistée, je me sentais bien. Grave erreur ! A peine avais-je fais une dizaine de mètres et tourné dans une rue pour que l’on ne me voit plus de la clinique, au cas où l’infirmière en chef me suivrait du regard, je sentis ma tête tourner et tout devint sombre autour de moi. Je me retins au mur d’un bâtiment, clopinait quelques mètres à l’allure d’une tortue, puis m’arrêtais net, en proie à une brusque nausée. Alors, sans hésiter, je m’assis par terre et attendit que ça passe.

Je relevais la tête en entendant une voix féminine s’adresser à moi, me proposant de m’accompagner jusqu’à l’infirmerie.

Non, pitié. murmurais-je faiblement. Je sors à peine de la clinique, j’y ai passé les deux derniers mois. Je suis arrivée avec le 10ème pèlerinage et l’on ne m’a pas encore laissé voir le moindre dinosaure.

J’essayais d’ajouter, en plaisantant pour convaincre la jeune femme que je n’étais pas si malade que ça, alors qu’une nouvelle vague de haut-le-cœur me reprenait :

Si je retourne là-bas je vais finir par croire que c’est faux, qu’il n’y a pas le plus petit reptile carnivore ici.

Je refermais vivement la bouche, croisant les doigts pour ne pas vomir sur la femme qui s’était agenouillée pour être à ma hauteur. Elle se présenta et je réussis à dire que je m’appelais Tara, mais rien de plus. Je sentais ma tête tourner et n’allait pas tarder à tourner de l’œil. Je ne voulais pas retourner à la clinique, pour rien au monde je n’y aurais remis les pieds, mais je me retrouvais totalement seule ici, et complètement perdue, désemparée. J’attrapais la main de la femme, qui s’appelait Kara, et lui demandait, la suppliant presque :

Vous pourriez rester avec moi quelques minutes, s’il vous plaît ? Je suis toute seule et je… je crois que j’ai peur.

Terrible aveu pour moi, qui avait toujours eu horreur de demander de l’aide à qui que ce soit, ou d’avouer une faiblesse. A Détroit, de là d’où je venais, il n’était jamais prudent de montrer ses points faibles à un adversaire ou à un inconnu. La femme me souriait, elle avait l’air gentil, mais je ne la connaissais pas et avais pris l’habitude de faire preuve de méfiance face à une situation nouvelle.