Ah non mais malgré mon nom de famille on ne peu plus Slave, je suis née en Amérique, mon père s’appelle même Keith, plus américain on fait pas ! Bon ok ma mère s’appelle Olga, mais bon, on fait ce qu’on peut hein !

Bon je vais tout vous expliquer depuis le début parce que c’est un peu compliqué. Mon père, lieutenant dans les forces spéciales, était effectivement originaire de Russie et parlait couramment les deux langues, lui aussi était né aux États-Unis mais pas ses parents, donc il a gardé un lien étroit avec la Russie, d’autant plus que ses grands parents eux, sont restés là-bas ! Toute la petite famille s’y rendait régulièrement du temps où la paix régnait encore entre ses deux pays, il y a même rencontré ma mère qu’il a fini par ramener au pays, avant de se marier avec elle, de la mettre enceinte, et voila comment je vois le jour en aout 2132. Mais ça n’a pas duré, la paix, et à partir de là, il a dû choisir son camp… pourquoi choisir quand on peut infiltrer hein ! Bref, il a continué ses allers retours mais pour de toutes autres raisons pendant que je grandissais tranquillement dans un monde qui crève. Peu de temps après la guerre éclate et les voyages deviennent quasiment impossibles, on donne le choix à mon père d’abandonner sa mission ou d’aller vivre sur place, vous imaginez bien qu’il n’est pas du genre à raccrocher si facilement, donc il y va et dans la foulée il nous emmène moi et maman. Parce qu’il pense toujours pouvoir nous protéger, qu’on sera plus en sécurité avec lui, ou peut-être que ça lui servira de couverture, ou j’en sais rien de ce qui lui passe par la tête, mais je quitte mon pays, mes amis, ma langue, j’ai sept ans et tout change radicalement pour moi.
Évidement avec une mère russe je parlais couramment la langue, mais les conditions sanitaires là où nous nous sommes installés étaient délétères, bien pire que ce que j’avais connu jusqu’ici, j’avais eut de la chance et je ne m’étais jamais rendu compte à quel point, et là, la misère du monde me tombe dessus et ouais, ça fait un sacré choc. Ah oui parce que je vous ai pas dit ! En Amérique, nous étions assez privilégiés, mon grand père était haut placé dans la hiérarchie militaire et grâce à lui et à ses contactes on a pu obtenir un toit dans un dôme, du coup école privée, copains, équitation, danse, tout va bien dans le meilleur des mondes ou pas loin.

Le meilleur des mondes devient carrément un enfer, mon père est jamais là, il risque sa vie tout les jours, ma mère est morte de trouille et moi je grandis et j’avoue ce monde me donne la gerbe. Pas seulement l’odeur immonde et le manque d’oxygène hein, mais les gens aussi, ils deviennent pire que des animaux, pour un grain de riz ils se foutent sur la gueule, plus je grandis plus je me rends compte de ça. Ça me dégoute, mais parfois je les comprends, jusqu’ici j’avais eut tout ce que je voulais, mais là, moi aussi je crève de faim, on a à peine de quoi vivre, ma mère fait ce qu’elle peut et mon père gagne sa vie, mais avec la surpopulation, bien moins endiguée qu’aux États-Unis par les lois sur la famille, la nourriture est hors de prix. J’ai dix ans, ça fait quatre ans que je n’ai pas vu une maitresse ou une école, mais maman me fait la classe tous les jours, tous les matins avant qu’on aille dehors pour essayer d’attraper de quoi manger. Elle ne veut pas que je retourne en Amérique sans avoir les mêmes bases que les autres enfants de mon âge, elle fait tout ce qu’elle peut pour ça, elle, elle était physicienne avant d’atterrir ici, à moitié clandestine. Elle garde toujours espoir maman, elle pense que la guerre va cesser, que papa va nous faire rentrer, qu’il va arrêter tout ça, que le monde va changer, que cette faille sauvera l’humanité, que tout va aller mieux, bientôt... Tu dois raccrocher ! C’est trop dangereux ! je l’entends le lui dire à chaque fois qu’il rentre, et quand il ne rentre pas je l’entends pleurer dans son lit, moi je ne comprends pas tout, mais je sais qu’elle est triste et qu’elle n’en peut plus, moi je préférais notre vie d’avant, mais en même temps à force je me suis habituée et puis c’est plutôt amusant de courir après les rats, j’aime bien chasser.

J’ai onze ans et je suis pleine de sang, le sang de ma mère, elle m’avait dit de rester caché, j’ai obéis, mais quand j’ai plus rien entendu je suis sortie et elle était là, allongée par terre dans une marre de sang, une balle dans le cœur. J’ai pleuré, j’ai crié, j’ai ni bu ni mangé et papa est rentré bien plus tard, je ne sais pas combien de temps exactement, j’en ai perdu la notion au moment même ou j’ai vu maman, tous ses espoirs venaient de partir en fumée. Papa ma prise dans ses bras ma serrée très fort et m’a promis qu’il me quitterait plus jamais, et quelques jours plus tard on a réussit à rejoindre la frontière pour être exfiltré. J’étais effondrée, papa aussi, mais on a repris notre douce vie dans le dôme, on mangeait de nouveau à notre faim, j’étais de retour dans une école privée, j’avais repris la danse et l’équitation, mais on était plus que deux et tout ça n’avait vraiment pas le même gout. Avec les cours de maman j’étais en avance sur le programme, je m’ennuyais ferme en cours et j’ai commencé à sécher et à faire n’importe quoi avec les potes, j’avais douze ans et je partais en vrille grave, mais papa m’a rattrapé au vol et en bon militaire il m’a fait rentré dans le rang. Oh j’étais toujours une ado rebelle et insupportable, j’en faisais toujours qu’à ma tête, mais c’était des dérapages plus ou moins contrôlés, mon père veillait au grain et même si parfois sa explosait entre nous parce qu’après tout ce bordel qu’il y avait eut à cause de lui ses crises d’autorité étaient mal venues. N’empêche il était là, il avait des côtés hyper cool, et trop classe avec les mecs qui commençaient à me faire chier, comment il te les mettait en boite en deux-deux. C’est à ce moment là qu’on a commencé à vraiment être proche lui et moi, et la complicité est née de tout ce chagrin qu’on partageait et du fait que je savais qu’il tiendrait sa promesse, qu’il veillerait toujours sur moi et qu’on était là l’un pour l’autre.

J’ai seize ans et je ne comprends plus rien… Mon père vient de m’annoncer qu’il devait repartir, il me prend la tête dans ses mains et me fait un bisou sur le front avant d’y coller le sien, il me regard dans les yeux mais je vois complètement flou, j’ai les larmes aux yeux, les boyaux serrés et je veux pas y croire, il avait promis qu’il resterait avec moi, qu’il serait toujours là, qu’il prendrait toujours soins de moi, pourquoi il faut qu’il reprenne du service en Russie, il bossait en Amérique depuis si longtemps et là tout d’un coup il faut qu’il y retourne ?! Il me prend pour une conne ! A moins que se soit autre chose, je ne sais pas, il a l’air triste de partir, il s’excuse, il me dit qu’il va vite revenir et qu’on aura alors notre ticket pour Terra Nova…

« Bonjour, Mademoiselle… » Le mec regarde son bloc-note. « Natasha Kayenko ? »
« Oui c’est pour quoi ? »
« On vient vous chercher pour le dixième pèlerinage… vous… heu… vous êtes pas au courant ? »
« Heu… si mais je pensais pas que… »
« Les ordres sont clairs, en l’absence de nouvelle de votre père vous devez y aller quand même. Mais ne vous inquiétez pas, il vous rejoindra très vite, dès qu’on l’aura retrouvé. »
Ils me prennent pour une conne en plus, super.
« Vous devez préparer vos affaires. »
Je fais quoi ? J’y vais, je les envoie chier ? Putain papa ! T’aurais pu me prévenir, je n’ai pas envie de te laisser et de partir sans toi sur cette putain de nouvelle terre !
« Et si je dis non ? »
« On a ordre de vous emmener de force. »
« Vous êtes pas sérieux ! »
Les deux soldats se regardant avant de faire oui de la tête et l’un d’entre eux fait un pas en avant genre il va me chopper. Je m’esquive en levant les mains.
« Ok, ok… je vais faire mes affaires ! » L’un me suit, j’ai envie de lui dire d’aller se faire foutre mais je me contente de ça :
« Tu ferais mieux d’attendre dehors si tu veux pas te retrouver avec une culotte dans la tête… » Comme si j’en avais quelque chose à foutre qu’il voit mes dessous…
« Me prend pas pour un con. »
Il ne bouge pas… merde… il me prend pas pour une conne finalement. Mon sac est fait, le minimum vitale et mon MP3, je les suis, mais plus je m’éloigne de la maison plus je sens mes larmes monter, et au bout d’un moment je tiens plus je cours en arrière, ils vont me rattraper, je balance mon sac, je pleure, mais ils me sautent dessus, me maitrise en un rien de temps – j’ai beau être remontée et connaître des techniques de self-défense, merci papa, je fais genre cinquante kilos toute mouillée donc bon – ils me trainent jusqu’à Hope Plaza et m’enferment quelques heures en attendant le départ.

J’ai dix-sept ans et je suis seule devant le portail, je jette un dernier regard en arrière mais à quoi bon, j’ai les yeux tout mouillés je vois quedal. « Naaaaaaaaaaaaat !! » Quoi ?! Mais. J’essuie mes yeux et je regarde en arrière, c’est lui, papa ! Je cours et je lui saute dans les bras. Finalement j’ai dis sept ans et je pars avec mon père vers une nouvelle vie pleine d’espoir…

« Ouaaaaaaaaaaah ! » Je suis abasourdie par la beauté de l’endroit, les arbres, le ciel, même la maison dans laquelle on a été installé est trop bien. Bon l’oxygène ça me file mal au crane les premiers temps, le soleil aussi, mais je m’y fais et même à la bouffe, ce que c’est bon de manger des fruits ! Papa avait une place réservée dans les forces armées de la colonie, et moi je devais aller à l’école, mais finalement il n’a même pas gueulé quand je lui aie dit que je voulais être chasseuse, enfin si, mais pas parce que je comptais arrêter l’école à ma grande surprise, il a juste dit que c’était trop dangereux, et j’ai répliqué tel père telle fille et il a rit et dit ok mais que je fasse gaffe. Je ne compte pas clamser maintenant que je suis arrivée ici à ça non !