2142, Vancouver, Canada.

« Papa a embarqué, il y est, Ecko, il y est » un sourire illuminait son visage, la frangine, l'espoir la faisait sourire. J'crois que je ne l'avais jamais vu sourire avant, jamais. Nous vivions, nous respirions l'envie d'avancer. Nous vivions, survivions de rêve, de volonté de faire telle ou telle chose. Nous avions " envie", nous étions gosse, not' père, il était capitaine. Il était capitaine. Ouai, à l'imparfait l'père parce qu'aujourd'hui, pour nous, il n'existe presque plus. Vous voulez savoir le pourquoi du pourquoi on s'en tamponne, maintenant de ce père imparfait ? L'histoire commence à peine, j'ai d'tas trucs à raconter avant qu'on en vienne à sa description physique et mentale. Sa description, elle va metre du temps à arriver parce que c'n'est qu'avec le temps qu'on a compris ce qu'il était, avec le temps et difficulté. C'était un con, ça l'est encore, on s'demande bien où. On s'en branle, n'est-ce pas ? Moi, oui,vous : pas.

J'avais 19 ans. Lorsqu'il a embarqué, c'était le premier pélerinage, depuis, nous ne l'avons plus revu. Nous tentions de mener une vie normale, évidemment, tenter est le bon verbe parce que la vie, elle devenait dure, trop dure. La nourriture devenue onirique, nous avions du mal à passer la nuit, les ceintures serrées, l'abdomen contracté, insideuse la mort nous guettait et puis, un jour, quelqu'un a vu en moi un don, j'sais pas si c'est un don mais, j'étais bon, ils disaient même "excellent", la physique ça m'intéressait, au lycée d'jà, j'avais été remarqué. Sauf que moi, rester coincé devant un poste d'ordinateur toute la journée ça ne branchait pas. Sérieusement ? Être sur le terrain ou superviser depuis un QG d'fortune à attendre que la tempête passe ? Au final, bye-bye, j'ai rejoins l'armée. Les années défilèrent durant lesquelles je subissais un changement physique impressionnant, passant de l'adolescent frêle à l'homme pesant plus de 100 kilos, de muscle, j'vous vois venir. 2145 est arrivée, prometteuse. Les scientifiques, parlons en : « Bon appetit, soeurette » un sourire narquois étirait mes lèvres tandis que mes mains déposaient sur la table, ces petits bocaux remplis de " super protéines". Elle vint à moi, un rictus fendant son visage, l'air de dire " tu t'fous d'maggle ?". Un regard suffit à lui faire comprendre que le choix s'était fait la malle. Oui, la situation de notre ménage était critique. Entre moi, ma formation de militaire et elle, à devoir entretenir...bad, vraiment bad. « Tu verras, Ecko. Pa' va faire tout son possible pour qu'on l'rejoigne.» Des étoiles pleins les yeux, je restais interdit, ne voulant pas être celui qui ferait régner l'ombre dans sa vie. Alors, je me contentais de claquer un baiser sur sa tempe et retournais au camp. Je n'étais qu'un officier qui se saignait les veines pour offrir à la seule famille qui lui restait, un semblant d'existence saine. Même si -autour- ni l'air, ni même l'eau ne l'était. En mars, tout allait changer. Tout, ce n'était pas plus mal.

Citation :

" Officier Hooper, votre demande a été prise en compte. Nous vous demandons de bien vouloir préparer votre départ. Le pélerinage aura lieu demain ".

Les mains tremblantes, le regard embrumé, je pensais à ma frangine qui n'était pas " conviée" à cette escapade. Je ne l'entendis pas de cette manière, alors affirmatif, je me jurais qu'elle me rejoindrait dès que l'occasion me serait donnée. Les aurevoirs furent difficiles, le départ un déchirement. J'sais pas qui a dit qu'on ne prolongeait pas les Adieux mais le départ ou l'contraire mais c'fut effroyable, passer à travers le passage sans elle. Nous avions reçu des tonnes de consignes. Je me souviens de la première chose que j'ai faite, en arrivant à Terra Nova, c'est peut être stupide, peut être bête : j'ai retenu ma respiration. Je me suis cru aveugle parce que je n'avais pas souvenir d'avoir était touché par autant de lumière, le soleil vint réchauffer les parcelles de ma peau. Magique, l'instant. Epoustouflant.

Un énorme bon vers le passé, 85 millions d'années auparavant, lorsque haut dans le ciel, je vis voler un ptérodactyle, je sentis ma tête tourner, j'crois que mon ébahissement devait être visible puisque je fus chambrer toute la journée durant : « Qu'est-ce qu'il y a Ecko ? Ceux la sont plus grands que ceux qui ornent ta tête de lit ?» un rire sortit d'entre mes lèvres, quel imbécile : « T'vois, mon vieux, j'ai l'impression qu'c'est l'expérience qui parle .» Remarquez, sur ce point il n'avait pas tord, petit, j'vouais un véritable culte à ces animaux préhistoriques auxquels je ne croyais pas du tout mais pour lesquel l'admiration était présente. Nous fûmes installés dans nos quartiers. Le lendemain, je fus familiarisé avec mon poste, garde, disons, sentinelle. Ca n'était pas si nul, pas palpitant non plus. Puis, je respirai un air si pur que cela failli me crever. Mes poumons n'avaient pas l'habitude alors, j'en ai passé du temps, à l'infirmerie

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J'ai demandé à ce que mon microbe soit ajouté à la liste de ceux qui allaient faire partie du 6 ème pélerinage, ce fut l'cas. La frangine a pointé, les retrouvailles furent détonnantes. Mon coeur était en paix, le sien, plus pour longtemps parce que, ce que j'avais découvert, j'avais découvert que notre père faisait partie des traitres. Un sixers. Nôtre père était un " déserteur", difficile fut l'annonce, difficile de supporter les larmes qui coulèrent sur ses joues, traçant de fins sillons sur ses pommettes saillantes. Ma soeur dont le visage poupon prit une teinte rosée, j'eus l'impression qu'elle allait suffoquer. Nous tombâmes au sol, moi : épaule de réconfort, elle : épave. Nous restâmes dans cette position longtemps, des minutes ? Des heures ? Assez pour que nous sentions des crampes. Les lendemains furent horribles, elle n'arrivait pas à se faire au climat puis, d'l'eau a coulé sous les ponts. La vie a commencé à prendre des teintes rosées. Les teintes sont restées. Le gris s'est barré.

«Ecko, rapport.» « R.A.S» soufflai-je, pas grand chose. Dans la nuit noire, les étoiles hautes dans l'ciel brillaient comme des lanternes. Le remoue est arrivé en même temps qu'il y eut une hausse du nombre de clandestins : 8 ème pelerinage. Hécatombes, nous dûmes contenir la foule mais après l'orage, le calme revient, il revient. 8 ème, 9 ème, 10 ème. C'est là, là que j'suis tombé sur une demoiselle, une dénommée Tara, aussi esseulée qu'un lombric, je me suis proposé de réchauffer ses nuits de sollitudes. Couillonné, l'pauv', j'ai découvert qu'elle cocufiait son fiancé, avec moi. Allez savoir pourquoi ma morale avait d'jà mis les voiles. J'ai goûté à son grain d'peau, à la chaleur de ses lèvres, présentement encore, je défie les moeurs. Tant pis si j'passe pour l'enfoiré. Elle me réconforte à sa manière. 50/50 c'comme ça, les bonnes affaires. J'suis pas idiot, son monsieur, elle y tient comme à ses prunelles. Et moi, vulgaire kleenex, je me prépare au rejet, qui ne saurait tarder. L'an 2149 ? On s'en tape, non ?