« Enora… ? » Je passai la tête par la porte de sa chambre d’hôpital et comme toujours, son visage aussi pâle que les draps me serra le cœur. Je n’avais jamais connu ma grande sœur en bonne santé, pour la bonne et simple raison qu’elle aurait du mourir avant ma naissance. Les médecins avait prédit qu’elle ne fêterait jamais ses 4 ans, elle était condamnée. Par conséquent, mes parents avaient été autorisé à avoir un troisième enfant, comme pour combler cette perte. Mais les choses n’étaient pas aussi simple, et malgré mon arrivée, ma mère n’avait jamais cessé de se battre pour que ma sœur survive. Et contre toute attente, elle avait survécu, traversant les années, dans un état pourtant critique. Parfois, je me sentais minuscule à côté d’elle, comme si j’étais indigne de la place qu’on m’avait attribué. Puisque c’était la sienne et que je ne serais jamais qu’un substitue de cette enfant si forte, qui se battait comme une adulte. Jamais je ne l’avais vu pleurer, ou bien se plaindre. Elle ne m’offrait toujours que des sourires. Comme si elle pensait que j’avais le droit d’être consolé. Alors que c’était moi qui aurais du la porter à bout de bras. Parce que je l’aimais, et ça même si, tant qu’elle restait en vie, je n’avais légalement pas le droit d’exister. « Skyler ! Approche-toi, je suis tellement contente que tu viennes me voir. » Hypnotisé, j’obéis instinctivement à sa demande. Ce sourire, toujours le même, qui la rendait si belle même dans sa convalescence, j’avais parfois le sentiment qu’elle ne l’offrait qu’à moi seul. Peut-être parce qu’elle était la seule à m’appeler Skyler, comprenant que mon prénom, si semblable au sien, me rappelait que je n’étais qu’un remplaçant, une doublure au cas où elle viendrait à disparaître. Elle était la seule à s’être un jour mise à ma place et égoïstement, je l’aimais encore plus, rien que pour ça. Au fond, la situation étrange dans laquelle la vie nous avait placé nous rapprochait étroitement. Et c’était pour cela que je venais lui rendre visite seul régulièrement. Parce que le reste de la famille m’en voulait silencieusement d’accaparer son attention, comme s’ils me reprochaient de n’exister que pour la voir mourir. Alors que toute cette histoire n’était que le résultat de leur décision. « Tu as l’air préoccupé mon petit prince. Tu as la tête dans les étoiles ? » Je lui souris tristement avant de hausser les épaules. « On ne peut voir ni étoiles, ni ciel, avec toute cette pollution. » Comme à chaque fois, elle soupira avant de lever les yeux au ciel. « Si tu le voulais, tu pourrais les voir. En fermant les yeux. » Je ne pus m’empêcher de lui adresser un véritable sourire cette fois-ci. Elle avait toujours eu le don de m’attendrir avec son air rêveur, la douceur de sa voix. Et à chaque fois que mon regard se posait sur elle, je réalisais à quel point j’étais effrayé à l’idée de la perdre. « C’est toi qui devrais être dehors à rêver des étoiles…. » Ça m’avait échappé, et je regrettais d'avoir parlé impulsivement, sans réfléchir, maintenant que je n’avais plus d’autre choix que d’affronter son air contrarié. « Ne dis pas n’importe quoi, Sky ! Je les vois très bien d’ici les étoiles. Et puis, c’est la vie qui décide, c’est comme ça. Ma maladie n’a rien à voir avec toi, je suis née avec. » Mon air peiné dut l’alerter, parce qu’elle s’adoucit instantanément afin de se pencher vers moi pour me murmurer. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » Les lèvres serrées, je tentai de résister, mais tous mes efforts étaient vains lorsqu’il s’agissait d’Enora. « Les autres m’ont dit que je n’avais pas le droit d’exister. C’est la loi. Mais moi, je ne veux pas que tu meures pour avoir le droit d’exister. Je veux que tu guérisses et que tu restes avec moi… Pourquoi je n’ai pas le droit ? » La colère faisait perler des larmes au coin de mes yeux. C’était cruel de décider que seulement un de nous deux avait le droit de vivre. « Écoute moi bien Skyler… » Sa petite main froide se posa sur la mienne et je la serrai tendrement, prêt à tout pour ne jamais être contraint de la lâcher. « Personne n’a le droit de te dire si tu peux exister ou non. Bats-toi ! Fais le pour moi et je continuerai à me battre pour être avec toi. D’accord ? » Soulagé par ses paroles, je hochai timidement la tête. « Promets-le moi ! » Mon regard s’ancra dans le sien alors que j’inspirait profondément, soudain sûr de moi. « Je te le promets ! »

nous forcerons nos destins

BIENVENUE À TERRA NOVA ! C’était les premiers mots que nous avions entendu lorsque nous sommes passé à travers le portail qui nous séparait enfin de notre vie polluée du 22ème siècle. Mais contrairement aux apparences, nous n’étions pas là parce que nous avions gagné le tirage au sort. Ce dernier avait été truqué pour les familles qui comme nous, avaient été engagé pour trahir la colonie et poursuivre la mission qu’on nous avait confié. A première vue, ça n’avait rien de bien attrayant, mais en réalité, ceux qui tiraient les ficelles savaient exactement ce qui pouvait nous poussé à accepter. Ainsi, ils nous avaient promis de mettre au point un traitement pour Enora afin de la sauver. Ce n’était encore qu’une expérimentation, mais les résultats étaient plus que prometteurs. Cependant, sans cet accord, nous aurions été incapable de le payer.
À présent qu’il nous était impossible de faire demi-tour, je pensais à ma mère qui nous avait quitté l’an passé, succombant à un arrêt cardiaque. « Votre mère serait fière de ce que nous faisons pour sauver votre sœur. » Je ne doutais pas une seconde des paroles de mon père. Puisque de son vivant, ma mère avait dépensé toute son énergie pour Enora. Au point de ne plus nous accorder la moindre attention. Mais Enoch, mon frère aîné, en avait plus souffert que moi. En effet, là où je vouais une amour tendre à Enora, il la jalousait d’accaparer une mère qu’il avait toujours démesurément aimé. Depuis sa mort, il semblait voir ce départ pour Terra Nova comme une revanche sur la vie, comme une façon de la rendre fière de lui. Comme si dans la mort, elle allait enfin s’intéresser à lui et à sa force. Mais si vous voulez mon avis, elle s’en moquait éperdument. J’étais certain qu’elle continuait à nous ignorer, n’observant que sa précieuse fille, toujours aussi souffrante. « Le départ est prévu pour ce soir. Tenez-vous prêt, tout en ayant l’air normal. À la moindre erreur, tout sera fichu, je compte sur vous ! » A dix-sept ans, je n’avais pas besoin qu’il me materne à ce point. Mais je pouvais sentir sa nervosité, et ses recommandations étaient sûrement une façon de se rassurer, de se dire que tout se passerait bien. De mon côté, seule l’adrénaline me donnait des ailes. Je n’envisageais aucun échec… Parce que pour la première fois, je tenais enfin une opportunité de pouvoir sauver Enora. C’était ce don j’avais toujours rêvé. « Si quelqu’un fait foirer la mission, ce sera Enoah. Il s’est déjà amouraché de certains boulets de la colonie… » Excédé par sa provocation, je lui assenai un coup de coude dans l’estomac, qui le fit grogner. Il était prêt à raconter n’importe quoi, juste pour me rabaisser et se mettre en avant. Certes, j’avais commencé à sympathiser avec quelques hommes de la colonie, mais pour ma sœur, j’étais prêt à trahir ces nouvelles connaissances. Sans aucun remord. « Ta gueule ! Tu ferais mieux de t’occuper de tes propres fesses, elles se traînent un peu quand il s’agit d’être agile et discret… » Celle-là, il l’avait bien méritée.

Acide à s’en brûler le cœur

« Tu es stupide, Enoch ! » J’étais hors de moi. Je ne comprenais pas comment mon propre frère pouvait s'accrocher à une mission qui n’avait plus aucun sens. Depuis le début, ces ordures nous avaient menti et ils n’avaient rien fait pour sauver Enora. Pire encore, ils l’avaient laissé crever sans nous le dire… Mais ça, c’était sans compter sur un de nos informateurs en 2149 qui nous avait présenté ses condoléances, sans savoir que nous ignorions tout sur le récent décès de notre sœur aînée. Après la mort de notre père, un an plus tôt, emporté par une fièvre virulente, c’était le coup de massue. À présent, nous n’étions plus que deux et la raison même qui nous avait amené ici, dans le camp des sixers, n’était plus qu’un mensonge… Alors pour ma part, il n’était plus question de continuer à servir ceux qui nous avait trahi. Mais Enoch avait peur de tout laisser tomber. Les sixers étaient notre famille maintenant, après trois années parmi eux et puis, il espérait encore recevoir une compensation financière pour avoir accompli la mission malgré tout. Quel abruti ! Comment pouvait-il leur faire confiance. « Il n’y a pas d’autre endroit pour nous, Enoah ! Tu crois qu’ils vont t’accueillir à bras ouverts dans la colonie ? Laisse-moi rire ! Tu es un traître à leurs yeux et ils vont t’enfermer… » Il rit comme si je n’étais qu’un gamin dénué de tout sens de la réalité. Mais c’était lui qui ne cherchait même pas à ouvrir les yeux… Sinon, il comprendrait que tout valait mieux que de continuer à obéir à cette mascarade. « Peu importe ! S’ils ne veulent pas de mon aide, je me débrouillerais seul. Je connais la jungle mieux que n’importe lequel d’entre eux. Je m’en sortirai. Et si je crève, ça sera en prenant mes propres décisions. » Sur ces mots, je me détournai de lui, prenant mes affaires pour m’éloigner du camp provisoire des sixers. Je savais que le soir-même, après mon départ, ils changeraient d’emplacement, pour ne pas que je dévoile leur position à la colonie. Mais je m’en moquais éperdument. « C’est ça, crève comme un con… Pour des idéaux de gamin ! Je te donne une semaine pour venir ramper à nos pieds. » Il devait vraiment être désespéré pour espérer me voir revenir vers lui de cette façon. Malheureusement pour mon cher grand frère, nous étions seul à présent, et à partir de ce jour, nous suivions notre propre route, dans des directions opposées.

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