« Willys, le commandant m'envoie vous dire qu'il vous autorise à mener votre petite expédition »

Cette déclaration extirpa de ses pensées la paléontologue, et accessoirement biologiste, qui ne put s'empêcher de tomber de son tabouret tant l'émotion était forte. Le commandant Kordsmeier la laissait enfin entreprendre ses petites recherches dans la forêt? Bon, avec le nombre de fois où elle l'avait harcelée, il devait sans doute s'être lassé? Qu'importe, sa joie était trop grande et la voix du soldat qui poursuivait son brouhaha n'était plus qu'une sourde mélodie. Elle le coupa dans son monologue pour s'occuper du matériel à prendre. Diable, elle aurait bien pris tout le laboratoire avec elle si elle l'avait pu.

« Je vous attends dehors, nous partirons avec quatre autres soldats »

Coupée dans son élan, Marley repensa aux paroles du jeune homme. Pardon? Quatre soldats? Une goutte de sueur perla le long de son visage et ses sourcils se froncèrent en un signe de mécontentement. Elle n'avait pas besoin d'une aussi grande garde autour d'elle, ils allaient la gêner plus qu'autre chose. Une moue s'installa sur son visage de porcelaine tandis qu'elle poursuivit la finition de son sac en ronchonnant. Une fois que ses accessoires furent en place, elle rejoignit le dénommé Malcolm dehors, dévisageant avec ennui sa petite troupe de chiens de garde.

« Euh, je pense qu'il ne sera pas nécessaire que vous soyez autant...Deux soldats suffiront... »

Un long silence suivit ses paroles. Ne venait-il pas de lui laisser un vent? Ses joues se gonflèrent tandis qu'elle grimpa à l'arrière d'un des véhicules. Ah ces soldats! Néanmoins, sa mauvaise humeur avait été vite remplacée par de la fascination lorsqu'ils quittèrent le camp pour s'enfoncer dans les entrailles de la forêt. Ses yeux pétillèrent de satisfaction lorsqu'ils croisèrent cette merveille sauvage. Elle aimait toujours autant ces sorties dans la nature, elle se sentait à son aise, comme si elle avait toujours été destinée à cette vie.

« C'est ici »

Les deux véhicules s'arrêtèrent à l'endroit indiqué tandis que Marley fonçait déjà vers la zone qu'elle étudiait d'arrache-pied dans son laboratoire. Un flot d'émotions l'assaillit; excitation, curiosité, engouement, gourmandise. Un subtil mélange de saveurs, toutes aussi délectables les unes que les autres.

« Attent... »

VLAM.

Et comme son petit oiseau de mauvaise augure ne l'avait toujours pas quittée, la belle chercheuse s'était vite retrouvée les fesses à terre après avoir heurté une branche indésirable. « Aie » Elle perçut des petits ricanements derrière elle et les aurait bien grondé si l'un d'eux ne lui avait pas tendu aimablement sa main pour l'arracher du sol. « La prochaine fois, regardez devant vous » ajouta-t-il, malicieux. « Heureusement que j'ai des hommes derrière moi pour me relever » Aussitôt dit, elle s'attela à son travail pendant que les soldats faisaient le guet, perdue entre ses gadgets et ses spéculations. Depuis combien de temps était-elle accroupie? Assez longtemps pour avoir des crampes aux jambes. Une douleur lancinante la poussa à faire une pause et sans retenue, elle s'allongea de tout son long sur l'herbe fraiche. « Pouah! J'ai faim... » Son regard se promena autour d'elle jusqu'à s'arrêter sur les soldats qui entamaient soigneusement leur sandwich. « Hey! Vous auriez pu m'attendre bande de goinfres! » Elle s'empressa près du casier afin de s'assurer que ces ogres n'avaient pas tout mangé. Ils ne lui avaient laissé qu'un malheureux petit croissant. « Démons! » D'autant plus qu'ils ne semblaient pas se sentir coupables pour un sou. A peine avait-elle englouti son maigre repas qu'elle retourna à ses recherches expérimentales, récoltant quelques nombreuses plantes et parasites dans des petites éprouvettes.

[...]

« Vous avez entendu? »

Tout le monde était aux aguets, à l'écoute du moindre bruissement suspect. Marley se sentait étrangement scrutée, elle s'était arrêtée net dans ses mouvements, le regard balayant les alentours.

« Là-haut! »

Deux Ptéranodons en personne les encerclait comme des vulgaires asticots qu'ils se seraient empressés de déguster si les soldats n'avaient pas braqué leur arme sur eux. Fascinée, Marley ne put détourner son regard de ces magnifiques bêtes, ébahie comme un enfant. Certes, ce n'était pas la première fois qu'elle en voyait, mais leur simple présence eut le don de la plonger dans un cocon d'enchantement. Statique, elle n'écoutait pas les avertissements de ses soldats et poursuivit sa contemplation. « Bon sang Willis! Ramenez-vous! » Malcolm l'empoigna par le bras pour l'éloigner des dinosaures mécontents. « Qu'est-ce qu'ils foutent là? » Marley comprit vite la raison de leur hostilité. « On est sur leur nid! » Super. Elle était vraiment douée pour se foutre dans des situations merdiques. « Ils sont fascinants » ne put-elle s'empêcher de faire remarquer. Les militaires ne semblaient pas être du même avis. « On ferait mieux de partir » Mais déjà, l'un des deux ptéranodons fonçait vers la petite troupe d'os et de viande. En voulant reculer, la scientifique se prit une racine et fit entraîna dans sa chute Malcolm qui appuya machinalement sur son arme. Le coup partit tout seul et la bête fut propulsée à quelques mètres derrière elle. « Bon sang! Vous êtes une catastrophe naturelle à vous toute seule! Imaginez si je vous avais touchée? » Pas le temps de papoter. Le ptéranodon n'était pas d'humeur à les faire languir et s'apprêtait à une nouvelle offensive. «  C'est pas que je tiens à la peau de mes fesses, mais c'est tout comme. Tant qu'on restera sur leur nid, nous sommes cuits! Je propose que nous décampions! » Et dans une coordination mémorable, les six compatriotes chevauchèrent leur "bolide". « Appuie sur le champignon! » Ce qu'il fit aussitôt, la propulsant contre son siège. « STOOOOOOOOOOOOOOP  » hurla-t-elle, surprenant ses petits mâles qui firent tous un petit bond de surprise. Marley sauta hors du véhicule, au plus grand malheur de ses compatriotes qui n'eurent d'autre choix que de s'arrêter. Malcolm jura et rejoignit la jeune femme qui avait malencontreusement oublié son matériel sur place. Stupide scientifique! Ses autres confrères les couvrirent en éloignant les deux volatiles mécontents. Finalement, elle parvint à revenir jusqu'au véhicule avec ton petit trésor, un large sourire sur le visage, insouciant et dénué de culpabilité. Elle ne prêta même pas attention au savon que lui passèrent les soldats, trop heureuse par sa récolte fructueuse.