Haley s'était réveillée tôt ce matin, trop de choses la tracassaient pour qu'elle puisse dormir paisiblement. L'épidémie de rhume qui se propageait allait être éradiqué d'ici peu, et heureusement ! De nombreux enfants n'allaient plus en cours, et de ce fait certains adultes aussi. Haley avait deux infirmière en moins dans le centre médicale.

Se dirigeant le plus vite possible vers l'infirmerie elle aperçue de nombreuses personnes déjà occupées à travailler. Le soleil était à peine levé et Terra Nova commençait déjà à être en activité.

Arrivant devant son casier elle enfila sa blouse, et se mit elle aussi au boulot. Les patients commençaient à arriver. Rien d'exceptionnel aujourd'hui, surtout quelques maladies et petites blessures.

Haley préférait ce genre de journée à celle où elle détenait la vie de quelqu'un entre ses mains, c'était certes beaucoup moins stressant.

La jeune femme n'était pas dans son assiette cette semaine, elle était prise de nombreuses migraines et avait perdu l'appétit. Elle n'en avait parlé à personne et ne comptait pas le faire, ce genre de choses passaient plutôt vite généralement. Pas de quoi alarmer tout le monde.

Elle ne prit pas de pose déjeuner, mais alla faire un tour du côté des découvertes médicales, histoire de voir s'il n'y avait rien de nouveau. Elle s’intéressait beaucoup aux sciences depuis sa plus tendre enfance, au moins à Terra Nova elle pouvait y jeter un coup d’œil de temps en temps tout en exerçant son métier.

Elle resta là pendant plus d'une heure, lorsqu'une infirmière vint l’appeler, un soldat avec une mauvaise coupure à la main droite venait d'arriver. Elle se précipita vers l'homme en question, enfin un peu d'animation dans cette morne journée !

"Bonjour, je suis le docteur Blake. Laissez-moi voir cette main".Haley sourit et lui saisit délicatement la main. Après une courte observation, elle releva la tête vers Westerfield. Tout le monde se connaissait ici, au moins de nom, mais la jeune femme avait préféré se présenter par pure politesse. Elle ne l'avait jamais croisé à l'infirmerie, mais Haley l'avait déjà aperçu dans la colonie, elle était prête à parier que son bungalow se situait à, à peine quelques mètres du sien. Il était rare de n'avoir jamais parlé à quelqu'un à Terra Nova, c'était surement la première fois que cela lui arrivait d'ailleurs.


"Hum, il faudra la nettoyer et ensuite recoudre la plaie. Vous vous êtes fais ça comment ?"

Andrew était horrifié, pas parce qu'il venait de se couper la main, les blessures de guerre, ça arrivait plutôt souvent, mais c'était affreux de se dire qu'il était traité comme des saloperies, comme de vulgaires petits passants qu'on aurait décidé de soigner comme il le fallait. Que se passait-il ? Les soldats auraient du avoir un petit traitement de faveur, bordel, ils étaient l'avenir de la colonie, la protection des civils et de ces médecins étaient entre les mains des types armés.

On disait toujours que les armes, c'était le principe des préservatifs, mieux valait en avoir et ne pas en avoir besoin que de rien avoir et d'en avoir besoin. C'était une affame connerie de penser que tous les hommes étaient égaux. 'Drew n'était ni raciste ni un connard de premier ordre, il avait juste compris comment la vie fonctionnait, qu'on avait des riches et des pauvres, et même dans cet autre espace temps, les inégalités verraient le jour. Il y en avait déjà d'ailleurs. Tous ceux qui étaient présents ici avaient ce grain, cette particularité qui avaient fait qu'ils étaient là, talents, hasard, chance. Ils avaient tous quelque chose en plus. Andrew, partant de ce principe pensait donc que l'Humanité avait totalement perdu les pieds, et que nourrir ces inégalités n'était pas plus pervers que de regarder un monde se casser la gueule en beauté.

Son arme, c'était sa vie, il ne la quittait jamais. Son Sonic Pistol et son arme de poing, ce bon vieux Glock 9mm étaient toujours avec lui, c'était comme si il ne pouvait plus s'en séparer. Le jeune homme n'avait jamais parlé au médecin qui s'approchait à grand pas. Il ne la connaissait pas, il savait juste qu'elle vivait pas très loin de chez lui, à quelques pas. Personne n'était entré chez lui d'ailleurs, c'était son espace privé et il n'aimait pas qu'on fouille sa pauvre baraque. Il haïssait parfaitement les types qui ouvraient toujours la bouche, ceux qui ne savaient pas la fermer, qui jamais ne se taisaient et qui allaient répandre ce qu'ils avaient vu chez l'un et chez l'autre. Pour palier à ce problème, il avait donc décidé que personne ne rentrerait chez lui.
Il la fixa, un air péteux et à peine supérieur, et s'exprima avec cet air bizarre dont lui seul avait le secret.

-La vie d'un soldat n'est pas de tout repos. En fait, je me suis vautré misérablement.

Andrew avait bien entendu oublié de préciser comment cela s'était passé, il avait, en réalité pas envie qu'on le bassine ce matin sur l'importance de ne pas se pourrir les poumons, et surtout, de ne pas polluer cette putain de Planète à la con. Parce ouais, ça craint, de se shooter les poumons et de refaire les mêmes erreurs. Garraty avait amené tellement de cigarettes qu'il aurait pu vivre cent soixante ans en se tapant un paquet par jour sans problème. En réalité, il avait pris que ça quasiment. Quel espèce d'enfoiré, hein ?

La vie d'un médecin n'était pas non plus de tout repos ! Haley passait ses journées à courir à droite et à gauche, enchainant points de sutures, sur piqûres et opérations. Heureusement pour elle, la jeune femme avait eu une formation complète, même si l'université n'avait rien avoir avec tout ce que l'on pouvait rencontrer ici, elle avait de bonnes bases et aussi de l'expérience.

"J'espère pour vous que personne ne vous a vu alors !"

Se retournant doucement elle attrapa l’attirail dont elle avait besoin pour soigner Andrew. Elle commença par nettoyer la plaie en la désinfectant.

"C'est pas très joli tout ça. Ça risque de piquer un peu, mais je suis sûre que vous avez vu pire !"

Elle sourit une nouvelle fois, son sourire c'était un peu sa marque de fabrique. Haley était réputée pour être de perpétuelle bonne humeur et optimiste, c'est ce qui faisait aussi qu'elle était demander par beaucoup de patients.

Haley recousu le jeune homme délicatement, histoire ne pas lui faire plus de mal que la plaie ne lui causait déjà.

Il ne lui avait pas réellement dis ce qu'il lui était arrivé, mais elle comprenait. De toute manière les causes étaient quasiment évidentes, ça ne provenait ni d'une arme, ni d'un animal. Surement pas un rocher non plus, sinon il n'y aurait pas eu autant de terre. Il ne lui restait plus que l'hypothèse d'une branche ou d'une racine.

"J'ai presque fini, vous tenez le coup ?".

Haley lui fit un clin d’œil, avec tout ce qu'Andrew avait du voir durant sa vie, cette aiguille ne devait rien lui faire.

Alors qu'elle finissait minutieusement son travail, son ventre gargouilla. Au moins c'était bon signe, elle avait faim, cette sensation ne lui était pas arrivée depuis trois jours.

Les aiguilles, il détestait vraiment ça. Il avait véritablement une haine affreuse de ces piqures. En réalité, il avait une haine du médical depuis qu'il avait, petit, du se faire opérer d'une appendice rebelle. Il avait atterrit d'un superbe hôpital digne des mégalopoles tentaculaires qui se dressaient déjà sur le territoires. Il n'aimait vraiment pas ces conneries et voir, ici, dans une nature luxuriante, des beaufs en blouse blanches, c'était affreux, c'était comme les gens qui détestaient les clowns, dés qu'ils voyaient ces faux sourires à faire frémir un mort, ils s'enfuyaient et allaient pleurer toutes leurs pauvres tripes dégueulasses dont tout le monde se foutait plus que royalement.

Andrew, c'était exactement le même concept, mais sans les sourires rouges affreux, c'était la haine des odeurs de désinfectants, des bruits de pas vicieux, pervers, camouflés par des chaussons stériles pour ne laisser aucune trace. Il haïssait tout du système médical, des salles d'attentes où il fallait patienter dix piges avant d'être pris en charge jusqu'aux blocs opératoires où les médecins s'éclataient à tordre des boyaux. Si l'homme avait un fondamentaliste chrétien, il aurait évité les médecins avec haine, mais malheureusement, lorsqu'on était soldat, on avait souvent à faire à ces jeunes hommes.

Il n'avait jamais dit à personne sur sa Silver Star. Il taisait cela avec une certaine aisance et dés qu'on abordait le sujet avec lui, il se fâchait terriblement. En Somalie, la vie avait été terrible. Lors d'un matin, alors que la chaleur poussait déjà tout le monde à rester terrer dans une case de bouse et d'herbes mélangées, lui et son escouade avaient eu pour mission de nettoyer un village où des armes avaient été détectées par de puissants moyens.
Ils s'étaient rendu sur place, armes déployées, pour ce qui semblait être une simple mission de routine. Alors qu'ils avaient déjà fouillé la moitié des maisons, un tireur embusqué avait ouvert le feu sur l'escouade. Des tirs de lance-roquettes et d'armes automatiques avaient suivies. 'Drew avait eu sa Silver Star en voyant la moitié de ces hommes mourir, alors qu'il s'était réfugié dans un char à l'abandon, il avait actionné le canon encore chargé et avait abattu les rebelles. Son meilleur ami était mort dans l'assaut, et il avait été déclaré héros de la Nation en tuant des types qui, eux aussi, défendaient une cause.

Et l'on osait l'appeler héros ? Pour avoir combattu, pour ne pas être tombé sous le feu ennemi ? Les vrais héros étaient plutôt les morts. Et c'était depuis ce temps qu'il fumait comme un pompier, depuis ce temps que cette saloperie de tube morbide avait repris le dessus dans sa vie. Pour certains, c'était l'alcool, et pour d'autres, la clope.


-Je tente de tenir le coup, mais vous savez, les points de suture, ça me fait vraiment flipper. Je déteste les docteurs, savez vous. J'ai horreur des blouses blanches et j'ai horreur des piqures.

Alors comme ça le grand soldat qu'était Andrew était en fait douillait. Comme quoi il ne faut pas se fier aux premières impressions. Haley avait toujours cru que Westerfield était le genre de personne très froide qui se croit supérieur et plus important que tout le monde, enfin dans ce genre là quoi...Pourtant depuis qu'elle était en train de le soigne, elle avait découvert quelqu'un de très gentil et de plutôt ouvert.

La jeune femme se demandait si lui aussi la pensait autrement avant de passer le pas de la porte de la clinique. Elle espérait en tout cas, qu'il n'était pas trop déçu. Elle avait pour habitude de trop se soucier de ce que les gens pouvaient penser d'elle. Même si la majorité des échos étaient positifs, il y a toujours des personnes à qui on ne plait pas forcement.


Le sang et les blessures ne lui faisaient plus rien, autrefois, lors de ses premières dissections, elle regardait le tout d'un air profondément dégouté. Aujourd'hui tout ça lui paraissait bien banal. Et tant mieux ! Car elle voyait passer des choses bien étranges dans cette infirmerie.

Elle retira l'aiguille, elle avait enfin finit de torturer Andrew. Un sourire vint élargir son visage une nouvelle fois, elle se releva et enleva sa blouse blanche, la jetant négligemment sur une chaise un peu plus loin.

"Et voilà, plus d'aiguille ni de blouse blanche !"

Elle rit et se dirigea vers un tiroir. Elle fouilla quelques secondes et revint auprès du jeune homme, lui tendant un bonbon.

Elle adorait s'occuper des enfants et elle avait d'ailleurs trouver les bonnes techniques. Haley était très maternelle par nature, malheureusement, les chances qu'elle ai un jour un enfant était plutôt mince. L'âge avançait et elle n'avait toujours pas trouvé l'homme de sa vie...

"Comme ça vous aurez une raison de revenir me voir !"

Non pas qu'elle veuille absolument le revoir, enfin si...Enfin non ! La vie d’adulte qu'est ce que c'est compliqué...

Revenir la voir ? Pas dans cette ambiance, il voulait peut-être la revoir, mais pas ici, pas dans ce lieu si froid et si affreux que l'infirmerie de la colonie de Terra-Nova. C'est affreux les hôpitaux, c'était généralement là où on avait le plus de chances de tomber malade. Vous ne le savez pas ? Bah quoi, c'est vrai, dans ces putains de lieux, on trouve toutes sortes de maladies affreuses, on peut chopper un staphylocoque en moins de temps qu'il ne faut pour écrire ce mot affreux que nous offre la langue médicale.
C'est vrai aussi que si l'on a des chances, on pouvait se faire soigner. Soigner de quoi au juste ? Ici, tous les malades se mélangeaient, les blessés graves comme les enrhumés. Imaginez vous un soldat, troué de balles et entrain d'éternuer tellement que cette épidémie de rhume est contagieuse. Ca doit être drôle et le sang doit jaillir des poumons comme on se mouche, par paquet gluant et dégoûtant la plupart des gens.

'Drew entretenait des relations très limitées avec les médecins de la colonie, non pas qu'il haïsse chaque personne ici présente, bien au contraire, mais c'était parce qu'ils étaient médecins et que le langage, la façon d'être de ces types étaient deux choses déconcertantes au plus haut des points de son organigramme "trucs qui font peur". C'est vrai bon sang, un sale type avec une sale gueule, ça fait peur, et un mec qui parle une langue plein de "x", de "h" et de "y", c'est encore pire. Il avait peur de ces gens, un peu comme certains sont terrifiés quand il voit un clown surgir brusquement dans un rêve ou alors qu'ils se baladent à la fête foraine. C'est affreux, un clown. C'est moche et les faux sourires, beurk.
Garraty savait parfaitement qu'il était anormal d'avoir peur des docteurs, mais il ne s'était jamais fait soigner, parce que pour cela... Il fallait aller voir un médecin !

Raboutant, hein ? C'était complètement stupide, non ? Pour se faire soigner de la peur des docteurs, il fallait consulter un autre docteur, c'était un cercle vicieux, une continuité de problèmes à vous abrutir l'esprit. Les docteurs, ça faisait peur, mauvaise expérience peut-être, puis même, ils se croyaient toujours supérieurs aux autres avec leurs études et les airs constipés, leurs bonbons, attrape-nigaud tellement puissant qu'ils revenaient tous, pour ce goût sucré et frais. Gardant toujours sa précieuse compagne à la main (son arme), il se redressa et déclina un timide sourire à la jeune femme.

-Vous savez, les bonbons, j'aime ça, mais pas assez pour revenir dans une infirmerie. Je déteste ces ambiances. Vous devez être assistante sociale, non ? Enfin, vous devez avoir un bon feeling avec les gens, parce que pour être employée sur Terra-Nova si jeune, c'est ou ça ou vous vous êtes tapée un éminent dirigeant d'Hope Plaza. Alors ?

Il semblait interrogateur, et sans attendre une réponse de la part de la jeune femme.

-Et c'est d'accord, j'accepte un rendez-vous avec vous. Je vous proposerai bien passer vous prendre avec ma super bagnole, mais j'ai pas de bagnole. Alors euh, bah. Je vous attends ce soir, vingt heures à l'entrée.

Un rencart ? Elle ne se souvenait même pas de la dernière fois qu'elle était sorti avec un homme. Depuis sa rupture avec Marcus, elle s'était plongée dans son travail et n'avait jamais relevé la tête. Les jours étaient passés, et ensuite les années, la jeune femme avait fini par croire qu'elle était mieux seule. La seule chose qui la chagrinait à cette époque, était l'idée de ne jamais avoir d'enfant. De ne jamais voir de petites tête blondes courir à travers le salon tout en criant de bonheur. En y réfléchissant Haley s'était pris comme consolation qu'elle n'avait pas le droit de donner naissance dans un monde pareil. Un monde qui ne possède plus d'arbre, plus d'oxygène, plus...rien.

Terra Nova était aussi là pour ça, pour sauver l'humanité, pour donner une chance à certaine personne d'avoir une famille saine qui pourra à son tour en avoir une. Malheureusement le reste de la société allait très probablement sombrer.

La jeune femme s'estimait très chanceuse de faire partie de la colonie, mais contrairement à ce que pensait Andrew, c'était grâce à son travail et à sa mention lors de sa sortie de l'université. Coucher pour réussir n'avait jamais été son genre, elle avait du intégralement s'en remettre à son talent et également à la notoriété de son père, un éminent chirurgien.

"Ca marche !"

Pourquoi maintenant ? Était-elle enfin prête à refaire confiance à un homme, qui s’avérait n'être qu'un illustre inconnu. Un tas de questions de "filles" tournoyaient dans sa tête. La première, était évidemment le fameux "Qu'est ce que je vais mettre ?". En venant à Terra Nova, elle n'avait pas été privilégier question bagages, un sac à dos et c'est tout. Il fallait à qu'elle déniche une tenue convenable et qui la mette en valeur pour ce soir. Ca n'était pas une mince affaire !

"A ce soir alors !"

Elle lui lança un dernier sourire avant qu'il ne quitte l'infirmerie. Une sensation plutôt rare s'empara d'elle, l'excitation. Elle allait passer l'après-midi à observer sa montre, c'était certain.