Voix d’homme au téléphone » Monsieur Lune ?
Lune » Niels ? Que me vaut un appel aussi matinal ?
Niels » Vos parents Monsieur.
Lune » Que veulent-ils ? Avons-nous un diner de prévu à midi que je ne suis pas supposé manquer ?
Niels » Ils ont eu un accident Monsieur…
Lune » Et… ?
Niels » Et ils sont morts, Monsieur.
Lune » Oh… Je serai là dans dix minutes Niels.
…
Lune » Où sont-ils ?
Niels » Leurs corps arriveront dans l’heure Monsieur.
Lune » Es-tu sûr qu’ils soient morts tous les deux ?
Niels » Oui Monsieur désolé.
Lune » Tu es absolument certain que ce n’était pas Père et une maîtresse ou Mère et un amant mais bien eux deux ?
Niels » Oui Monsieur.
Lune » Tu as commencé à préparer les choses ?
Niels » Quelles choses Monsieur ?
Lune » Je ne sais pas, la déclaration de presse, l’enterrement
Niels » Non Monsieur.
Lune » Et bien qu’attends-tu ? Penses-tu que je te paie à rien faire ?
Niels » C’est votre père qui m’…
Lune » Mon père est mort. Tout est à moi maintenant.

Par ce simple accident Lune venait de devenir l’un des plus jeunes milliardaires d’Europe, le plus jeune de France. Il n’avait que seize ans mais avait déjà bien compris comment survivre parmi les gros poissons. Les défunts qui l’avaient engendré avaient vite compris qu’ils avaient créé un monstre, un monstre de leur espèce. Il était redoutablement intelligent et calculateur et n’avait pour lui aucun défaut, apparent. La firme des Agatha s’étendait de la recherche biomoléculaire à la pharmacologie de masses. Lune avait dès son plus jeune âge été contraint, non pas que ça lui déplût, à hériter de cet empire et donc d’en connaître toutes les ficelles. Aussi il avait toujours baigné dans ce monde de médicaments et d’organismes cellulaires… Il était un petit génie et maintenant il deviendrait un redoutable homme d’affaire.


Homme » Monsieur Agatha, il va vous falloir partir.
Lune » Et au nom de quoi je vous prie ? Votre bon plaisir ?
Homme » Ils ont besoin de vous et de vos connaissances sur Terra Nova.
Lune » Et si je me fous de leurs besoins ?
Homme » Peut-être ne vous foutez vous pas de votre survie.
Lune » Ma survie ? Je vis très bien ici.
Homme » Vous vivrez mieux là bas, vous pourrez respirer de l’air pur.
Lune » Je n’aime pas qu’on me force la main. J’ai vingt-trois ans et j’ai déjà tout ce qu’il me faut sur cette planète. Merci mais alors pour le grand-voyage je vais attendre d’être mort.
Homme » Vous ne comprenez pas, vous n’avez pas le choix.
Lune » Combien ça va me coûter de vous faire taire ?
Homme » Les ordres ne viennent pas de moi.
Lune » Combien ça va me coûter de tous les faire taire ?
Homme » Je ne peux pas vous le dire. Vous semblez indispensable sur Terra Nova, c’est pour ça que l’on m’envoie. Je ne crois pas que toute votre fortune suffirait à les satisfaire.
Lune » Je vous appellerai quand je serai prêt à partir. Pas avant.
Homme » Mais vous n’avez pas mon nu…
Lune » A l’instant où vous entriez chez moi, je savais tout ce qu’il y a à savoir sur vous Monsieur Locke.

Ce n’était pas courant apparemment, les autres habitants de Terra Nova avaient rarement été contraints de venir. Beaucoup même l’avaient tant souhaité qu’ils avaient joué à la loterie pour avoir le ticket gagnant… Ticket gagnant qui brûlait les mains de Lune comme un fer blanc. Il fallait avouer que 2149 n’avait rien d’un paradis, mais en partir pour regagner Terra Nova et laisser derrière lui tous les privilèges et son statut social sonnait comme l’enfer à ses yeux. Il n’était pas vénal, ou alors très peu, mais perdre ce qu’il avait durement gagné lui fendait le cœur. Durement gagné oui, il avait passé seize ans à attendre que ses parents ne meurent… Il irait sur Terra Nova, en espérant que ce serait un voyage avec retour au moins dans son cas. Et puis après tout il y avait un certain intérêt scientifique à aller voir ce qu’il se passait sur Terra Nova. Il laisserait l’empire à son ami milliardaire Sigoë, avec un contrat totalement verrouillé qui l’assurerait de la perrénité de l’entreprise et qui dans le cas où elle ferait faillite pour cause de mauvaise gestion lui reverserait plusieurs centaines de millions par an. Au cas où il reviendrait.