Il est tard, le soleil s'est couché depuis bien longtemps, mais la lumière reste allumée dans les rues. La plupart des maisons ont les lumières éteintes, mais un bâtiment laisse échapper des rires et une odeur d'alcool presque insurmontable. Un bar, oui je suis dans le seul et unique Bar de Terra Nova. Je viens tout juste de sortir d'un entretien avec le Commandant. Je suis assis sur une chaise dans un coin de la pièce, je réfléchis. Je ne fais pas attention aux clients qui boivent à n'en plus finir, encore moins à ceux qui croient savoir jouer au Poker. Je ne fais pas non plus attention à ce crétin complètement saoul qui tente de draguer la barmaid. Et pour une fois, je ne fais pas attention à la charmante serveuse qui passe à côté de moi. Je suis là, presque immobile. Je suis calme, pas détendu mais au néanmoins serein. Je regarde mon verre à moitie vide (certains diraient à moitié plein). Je ne comprends pas. Pourquoi moi, Sergent? Être un officier... je n'y avais jamais vraiment pensé. J'avais eu une enfance difficile. Les professeurs ne cessaient de dire que je gâchais mon potentiel intellectuel et que si je le voulais je pouvais largement être un excellent élève. Qu'en aurais-je fais? Que serais-je devenu si je les avaient écoutés à cette époque? Je n'en sais rien. Certainement pas la même personne. J'ai passé ma jeunesse à faire des conneries, j'ai été enfermé dans une prison pour mineurs. Faut le dire : ne pas se laisser faire pendant un contrôle de police était une grosse conneries. Mais j'étais ainsi, je n'avais rien contre l'homme, ni même contre l'uniforme que je respectais, mais j'avais quelque chose contre le principe de se mettre à genoux et de baisser les yeux. En sortant de la prison pour mineurs, n'ayant plus aucune famille (mes parents étaient morts pendant mon incarcération), j’ai dû survivre par moi-même de mes 16 ans jusqu'à ma majorité. Là, une fois que j'ai eu 18 ans, j’ai pu m'engager dans l'armée. A l'époque ils engageaient n'importe qui. Tant qu'ils étaient jeunes, ils les prenaient. Je n'avais pas commis de gros délits. Aussi, ils effacèrent mon casier et firent de moi un soldat. Je devins l'un des meilleurs de ma promotion et après entraînement et maîtrise des différentes armes, je fus l'un des plus jeunes tireurs d'élite sorti de l'académie.

Durant mon année de formation, j'ai eu divers ennuis avec mes sergents instructeurs. Je ne baissais pas les yeux, ce qui ne leur plaisait pas au début. Néanmoins, ils changèrent d'avis quand ils virent que je ne cherchais pas les ennuis mais juste à ne pas être soumis. Au final, ils en vinrent presque à m'adorer pour mon culot et mon caractère. Ironiquement, ce fut dans l'armée que je me sentis revivre car pour une fois, je faisais quelque chose de ma vie et ça me plaisait. J'étais envoyé dans des équipes d'intervention, de choc et de commandos. J'ai également été appelé sur des prises d'otages pour utiliser mes talents de tireur d'élite. Tout allait pour le mieux. Est-ce que j'ai tué des hommes? Certainement... Avec plaisir? Jamais. Je restais un être humain. Le métier me plaisait. C'était défendre et protéger mon prochain, mon plaisir. Certainement pas de tuer des êtres humains, même si ça ne m'empêchait pas d'appuyer sur la détente quand on me demandait de tirer. Ensuite, les choses devinrent plus... Complexes. Je fus combattant en Somalie dans le conflit Américano russo-chinois. Je n'avais que 19 ans et vivre un conflit comme celui-ci sur le terrain... Tout homme s’en trouve déjà transformé, alors imaginez un gamin comme moi à l'époque. Deux épisodes furent particulièrement marquants pour moi.
Le Premier fut de tenir une petite ville avec ma division. Sur les dix mille hommes envoyés dans cette ville, seulement cinquante en revinrent vivants après un mois de combat. Nous avions été assiégés. J'avais vu mourir mes amis chaque jour les uns après les autres. J'avais fait à moi seul beaucoup de dégâts avec mon fusil de sniper. Durant cette bataille et cette douloureuse expérience, j'ai appris à fabriquer des munitions. Pas le choix quand on est assiégé sans moyen d'être ravitaillé. Chaque nuit, nous étions bombardés. Chaque matin, nous comptions nos morts. Chaque après-midi, nous avions droit à plusieurs vagues d'assauts et à des affrontements. Et parfois, en fin de journée, nous devions nous battre dans la ville pour tenter de récupérer les secteurs perdus. Et ça recommençait avec des bombardements... C'est une épreuve que je n'aurai souhaité à personne, mais je m'en suis tiré et c'est le plus important.
Le deuxième épisode fut celui qui me valut une cours martiale. Pourquoi me demanderai vous? Simplement parce que j'ai désobéi à un ordre direct. Ma brigade et moi-même avions reçu l'ordre de détruire entièrement un village Somalien, et de tuer femmes, enfants, vieillards et soldats. Ceci était pour moi hors de question, je ne me cacherai pas derrière des ordres pour me déculpabiliser de mes actes. J'avais fini par menacer mon supérieur avec mon arme, mais les autres soldats étaient des abrutis complet, loyaux certes, mais des monstres. Je fus donc traduit en cours martiale et réaffecté dans un endroit qui s’avéra être plus une bénédiction qu'une sanction…

J'ai nommé Hope Plaza. Oui, je me suis retrouvé à la sécurité de ce bâtiments. A l'époque, c'était juste un bâtiment de recherches. Ce n'était pas « LE » lieu où tout le monde voulait aller pour se rendre sur Terra Nova. Pour les Pèlerinages précédant le mien, je fis mon travail, escortant, surveillant et évitant au maximum les voyageurs clandestins. Mais durant le 8éme pèlerinage, avec les émeutes, les gardes n'étaient, non seulement pas parvenus à maintenir une bonne sécurité ( ce qui avait fait venir plusieurs personnes clandestinement sur Terra Nova), mais en plus, j’avais surpris certains d’entre eux entrain de violer une jeune collègue. J'avais un meilleur entraînement, aussi, maîtriser les quatre individus me fut facile. Seulement, avec mon dossier, c'était évident que j'allais avoir beaucoup d'ennuis et la jeune femme en avait un tout aussi piquant que le miens. Avec des dossiers aussi lourds, personnes n'aurait fait confiance à nos témoignages. De toutes façons, l'affaire aurait été étouffée pour éviter le scandale. Et oui! 2149 c'est un monde de merde! il ne nous restait qu'une seule et unique possibilité. A savoir, traverser le portail clandestinement. Une fois là-bas, nous allions devoir nous expliquer c'est sûr, mais entre pourrir ici dans les rues et pourrir là-bas dans les rues de Terra Nova… Elle, comme moi, nous avons vite fait notre choix. Les autorités ne crurent pas vraiment notre version des faits, mais dans le doute, elles ne pouvaient pas nous punir. En revanche, ils avaient connaissance de nos dossiers, et comme sur le mien il était uniquement marqué que «　je n'avais pas obéi aux ordres　» et non pas «　refusé de tuer des innocents　» ... (Et oui même les militaires savent mentir quand ils sont cruels), je me suis retrouvé agriculteur. Ma collègue eu quant à elle un poste dans la sécurité. Quelques semaines plus tard, ce fut le commandant qui vint me voir en personne. Connaissant mes talents de tireur d'élite, et vu que j'avais amené mon arme modifiable avec moi, il me demanda d'être chasseur. Après une période de bons et loyaux services et quelques proies abattues, le commandant me convoqua. Mon entretien avec lui fut simple. Il voulait me reprendre dans la sécurité car il avait fini par voir que je n'étais pas le soldat tel que décrit dans mon dossier. Il me faisait confiance, il voulait que je porte l'uniforme et que je prenne le grade de sergent. Ce qui me ramène à l'instant actuel. A me perdre dans mes pensées, à me parler à moi-même devant mon verre qui était maintenant vide. Pourquoi donner des responsabilités à un casse couille et un emmerdeur comme moi? Décidemment, je ne comprenais pas les choix de mon supérieur. Le commandant voulait voir ce que j'avais dans le ventre en tant qu’officier? Il allait être servi!